L’histoire de la finance : échecs et succès
De la première bulle spéculative à la crise mondiale de 2007/2008, la finance n’a finalement que peu évolué. Les traders disposent d’outils techniques plus modernes et des produits financiers bien plus complexes, et pourtant, la finance semble toujours soumise aux mêmes variations entre croissance folle et chute brutale. Et depuis le 17ème siècle, ce sont toujours les mêmes qui subissent.
L’histoire de la finance : des débuts mouvementés
Il est bien sûr possible de faire remonter l’histoire de la finance très loin dans le temps ; néanmoins, la finance moderne connaît son premier bouleversement avec la bulle spéculative qui a fait trembler l’Europe, en particulier les Provinces Unies, actuels Pays-Bas. Au 17ème siècle, une variété de tulipe a connu un engouement très fort de la part des élites de la société : la semper augustus. Il s’agit d’une tulipe atteinte d’un virus qui lui donne des pétales bicolores. Le seul moyen de cultiver cette variété est d’attendre un certain niveau de maturité pour « cloner » le bulbe parent. Cette rareté, associée à une demande très forte, en particulier des familles nobles françaises, a conduit à une augmentation exponentielle du cours de la tulipe. C’est ainsi, qu’en 1637, un seul bulbe de semper augustus pouvait coûter le prix de deux maisons, de 8 cochons gras et 15 fois le salaire mensuel d’un artisan ! Face à un tel prix, très vite, les fournisseurs de tulipes ont fini par éprouver des difficultés à trouver des acheteurs. Une offre constante, une demande siphonnée à cause de cours trop élevés : les cours se sont effondrés brutalement ; la première bulle spéculative de l’histoire de la finance moderne vient d’éclater. Moins d’un siècle après cela, en France, la mort de Louis XIV laisse le pays très endetté. Le Régent accepte alors l’idée d’un Écossais, John Law, qui consiste à créer une banque royale qui proposerait des billets papier en échange de dépôts d’or. Cette « virtualisation » permettrait à l’État d’utiliser l’or stocké tant que les billets sont en circulation. Mais la banque royale a émis beaucoup plus de billets qu’elle n’a encaissé d’or. Certains s’en sont rendus compte et ont voulu retirer leur bien : la première crise bancaire est née !
La finance : une histoire cyclique ?
La finance serait-elle lunatique ? Après l’euphorie, la décadence. Une hausse phénoménale et brutale des cours puis une chute tout aussi brutale pour la crise de la tulipe ; un engouement puis un rejet brutal qui conduisent à une crise bancaire pour la banqueroute de Law. La crise si connue de 1929, celle, pétrolière, de 1973 et celle, financière, de 2007/2008 : toutes entrecoupées de périodes de croissance, parfois folle. De nombreux économistes se sont penchés sur cette question étrange. Un d’entre eux est sorti du lot en énonçant une théorie selon laquelle l’économie serait soumise à des cycles longs de 45 à 50 ans et qui porteront son nom : les cycles Kondratieff, repris ensuite par Schumpeter. Selon ces derniers, l’économie capitaliste, parce qu’elle se fonde sur la finance, est soumise à une irrémédiable variation cyclique comprenant une phase de croissance et d’expansion suivie d’une phase de récession et de rétractation. De fait, on ne peut qu’être étonné de la pertinence de cette vue. Visionnaire, Kondratieff a ainsi prévu la crise de 1973, 44 ans après celle de 1929 elle-même survenue 56 ans après la Grande Dépression. Dès lors, deux solutions s’offrent aux financiers : faire avec ou tenter de changer les choses en limitant les phases de croissance euphorique. Mais l’appât du gain est trop fort. De plus, lors des crises, ce ne sont pas les maîtres de la finance qui paie l’addition, mais les contribuables et les épargnants. Alors la finance continue son long cours et ses cycles infernaux.
L’avènement de la modernité : une finance alternative ?
Conscients des potentialités bienfaitrices de la finance et des importants défauts dont elle fait preuve, dans son état actuel, de plus en plus de jeunes diplômés et d’anciens financiers développent petit à petit des réseaux de finance sociale et solidaire. C’est ainsi que le premier réseau mondial de la finance sociale est né il y a peu au Québec. Regroupant plus de 160 établissements de toutes les nationalités, ce réseau a pour but la promotion des pratiques financières responsables. L’idée est simple. L’épargne et les produits financiers doivent servir à deux choses : financer l’économie réelle, et donc les projets innovants ainsi que les petites entreprises mais aussi les initiatives sociales et solidaires comme les associations à but humanitaire etc. Cette alternative à la finance traditionnelle trouve même ses partisans du côté des foyers fortunés. En effet, de plus en plus, des avantages fiscaux sont développés par les gouvernements européens pour inciter les contribuables fortunés à placer leur argent dans des projets associatifs ou professionnels innovants et/ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Il est ainsi parfois plus rentable d’investir dans l’économie réelle et/ou un projet social que d’investir sur les marchés financiers. Accepter des rendements plus faibles, des croissances plus lentes mais pour des résultats plus pérennes et plus sûrs : voilà les bases de la finance alternative. Les partisans de cette conception de la finance pensent que d’une part ces pratiques permettront d’éviter les cycles évoqués plus haut et que d’autre part, à terme, l’emploi et l’économie en général se porteront mieux et connaîtront une plus grande stabilité puisque c’est l’économie réelle qui est soutenue et non l’économie financière. Avec la finance alternative, l’avenir serait-il plus réjouissant ?